Descartes, L’Homme qui voulait prouver l’existence de Dieu. Feuilleton paraissant le lundi et le jeudi. Episode 2/16 : «La Méthode». Le premier épisode est ici.
Résumé du premier épisode : Descartes a décidé de se consacrer à la philosophie, c’est à dire, selon la définition très large de l’époque, à l’accroissement du savoir humain ; mais une philosophie qui soit compatible avec la religion catholique. En 1628, Descartes s’exile en Hollande pour étudier tranquillement. Il décide de commencer par la métaphysique, et ce qui pour lui en est au cœur : l’existence de Dieu.
La "démonstration" de l’existence de Dieu (ou son inexistence, d’ailleurs) est à la métaphysique ce que la machine à mouvement perpétuel est à la mécanique : la chose ultime, l’alpha et l’oméga, à la fois objectif en soi et porte ouverte sur toutes les merveilles. C’est aussi la gloire pour son inventeur : Anselme, au XIe s en a trouvé une fameuse (on y reviendra). Et Descartes aime autant la gloire que la vérité.
On est en 1629, Descartes travaille à temps plein depuis maintenant neuf mois sur la question. Il doit sans doute éprouver une certaine lassitude (on le ferait à moins) car il oriente son étude vers un objet un peu plus concret : le monde. Il prépare un «Traité du Monde». «Je me suis résolu d'expliquer tous les phénomènes de la nature, c'est-à-dire toute la physique». Il restreint progressivement le champ, il abordera surtout l’optique parce que tel quel c’était quand même un peu vaste. Il s’apprête à publier son Traité en 1633 mais renonce : il y défend la thèse héliocentriste (<=> la terre tourne autour du soleil), or Galilée vient juste d'être condamné pour cela par l’Eglise, qui défend elle la thèse géocentriste (<=> le soleil tourne autour de la terre). («Le Monde ou Traité de la Lumière» ne sera publié qu’après la mort de Descartes.). Dommage. Mais, pense-t-il, ces recherches ne l’éloignent pas tant que ça de son objectif initial, car elles sont l’occasion d’affiner sa dialectique ; s’il sait se montrer convaincant en optique, sans doute le sera-t-il aussi en métaphysique.
1637 est l’année de sa première publication : «Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences». (Du pur Descartes, ce titre téméraire ; encore fait-il son modeste : le titre initial était «Projet d’une science universelle qui puisse élever notre nature à son plus haut degré de perfection».). Descartes y présente ladite méthode, puis en donne des exemples d’application dans des domaines aussi divers que la médecine, la géométrie, l’optique, la morale ou la métaphysique (un tel éclectisme est courant à l’époque).
Elle ne doit pas être complètement au point. Ce qui touche à la géométrie est de tout premier ordre : Descartes est sans doute le premier à avoir su recourir aux équations mathématiques pour résoudre des problèmes géométriques complexes. Ce qui a trait à l’optique (sur la réfraction, sur le phénomène de l’arc en ciel) est souvent de grande valeur. Mais l'ensemble contient pas mal d’erreurs : certaines bien excusables en 1637 (ainsi, sur le déplacement de la lumière), d’autres moins (ainsi sur la circulation du sang ou l’ébullition de l’eau), mais toutes sont gênantes de la part de quelqu’un qui professe, en substance, d’avancer lentement, mais sûrement.
En quoi consiste la Méthode ? Il s’agit d’abord de faire table rase de toutes les opinions admises, car elles sont fréquemment entachées d’erreurs ou, tout au moins, d’incertitudes. Seule la foi, dit Descartes, doit être épargnée par ce grand coup de balai, car la raison n’a pas prise sur elle. Descartes rejette donc en bloc tout le savoir qui existait avant lui et est résolu, dit-il, « de ne chercher plus d'autre science que celle qui se pourrait trouver en [lui]-même, ou bien dans le grand livre du monde.». En creux, tous les lecteurs ont compris que la scolastique doit être purement et simplement ignorée.
La scolastique, c’est l’enseignement traditionnel, qui s’est développé au Moyen-Age sous le contrôle étroit de l’Eglise. Cet enseignement sort largement du domaine spirituel et couvre à peu près toutes les disciplines scientifiques : astronomie, médecine, mathématiques... Il est uniquement livresque et repose sur les textes de quelques auteurs reconnus, au premier rang desquels figure Aristote, philosophe grec du -IVe, considéré quasiment à l’égal des prophètes par l’Eglise. Descartes a aussi peu d’estime pour la scolastique en générale que pour Aristote en particulier.
Dans une certaine mesure, il faut également se méfier de nos sens corporels (ouïe, vue, etc) dit Descartes, car ils sont parfois trompeurs. Sur quoi peut-on s’appuyer sans réserve, en ce cas ? Sur la raison d’une part, et - parce que celle-ci ne peut tout de même pas fonctionner à vide - sur tout ce qu’on considère «évidemment» être vrai. D’accord, mais comment peut-on être assuré que ce qui est évident est vrai ?
C’est là qu’intervient la métaphysique de Descartes, qui fait l’objet de la partie IV du Discours de la Méthode.
La suite jeudi 06 juillet avec l’épisode 3/16 du Descartes Code : «Le Brouillon»
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