Descartes, L’Homme qui voulait prouver l’existence de Dieu. Feuilleton paraissant le lundi et le jeudi. Episode 4/16 : «Les Méditations». Le premier épisode est ici.
Résumé des épisodes précédents : Descartes s’est fait fort de prouver l’existence de Dieu, pour convaincre les «libertins» (c’est à dire les libres penseurs) qui osent en douter. Il déjà donné une démonstration dans son Discours de la Méthode, en 1637, mais elle n’est pas très convaincante. Il faut qu’il retravaille la question...
Nous sommes en 1640, trois ans après la publication du Discours de la Méthode. Descartes achève la rédaction de son grand œuvre, celle qui doit établir de façon définitive l’existence de Dieu : ce sont les «Méditations Métaphysiques». Le titre final sera : «Méditations métaphysiques touchant la première philosophie, dans lesquelles l’existence de Dieu et la distinction réelle entre l’âme et le corps de l’homme sont démontrées». Le programme est dans le titre : il s'agit de prouver l’existence de Dieu et la distinction du corps et de l’âme, ce qu’il n’avait pas su faire de façon solide dans le Discours (cf épidode 3 «Le Brouillon»). Descartes s’en explique d’ailleurs dès la première phrase de la préface des Méditations : il n’avait alors abordé le sujet «non pas à dessein d'en traiter alors à fond, mais seulement comme en passant», pour tâter le terrain. Là, nous dit Descartes, ce n'est plus de la philosophie à deux francs, même si pour l’essentiel, les Méditations reprennent l'argumentaire du Discours. D'ailleurs, c’est bien plus long (une centaine de pages) et c’est en latin.
Le latin est la langue internationale des érudits, et à la différence du Discours, les Méditations sont d’abord destinées à une élite. Plus encore, elles lui sont réservées : elles tracent un chemin vers la vérité qu’il n’est pas utile de «montrer en français et dans un discours qui pût être lu de tout le monde, de peur que les faibles esprits ne crussent qu'il leur fût permis de tenter cette voie.». C’est toujours dans la préface - au Médiévaliste, on est fort en préfaces et en 4èmes de couverture. Autrement dit, les «faibles esprits» qui composent l’essentiel de la population risqueraient en ratant une marche du raisonnement d’être précipités dans les abîmes de l’athéisme et il faut réserver les Méditations à ceux qui sont équipés pour les comprendre.
Le lectorat cible des Méditations, c’est donc une élite très cultivée. Et le cœur de cible, prétend Descartes, ce sont ceux qu’on appelle alors «libertins», c’est à dire ces libres penseurs, ces intellectuels qui remettent en question, suppose-t-on, jusqu’à l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme. Leur existence est souvent fantasmée car affirmer que Dieu n’existe pas, c’est se livrer au bûcher, mais il est indéniable que, parmi les intellectuels, le respect pour le dogme catholique s’effrite (cf épisode 1 "La Vocation"), et nombre d'entre eux sont certainement tentés de jeter le bébé (Dieu) avec l’eau du bain (le dogme catholique). Le dogme catholique, pour Descartes, c’est l’affaire de l’Eglise et des théologiens ; mais quant à prouver l’existence de Dieu, ça rentre dans le périmètre de la philosophie et c’est la sienne.
Pour sa démonstration, il s’est fixé la même règle que dans le Discours de la Méthode : ne s’appuyer que sur sa seule raison naturelle, jamais sur l’autorité d’aucun texte, quel qu’il soit, sacré ou profane. Il met l'expérience personnelle en première ligne et la première personne apparaît quasiment dans toutes les phrases. Bref, la démarche est originale et aux antipodes de la scolastique (l’enseignement traditionnel de l’Eglise, cf épisode 2 "La Méthode").
Descartes devine que son œuvre risque fortement d’être censurée par l’Eglise. Il prévoit donc un plan assez soigné pour avoir son agrément.
La suite jeudi 13 juillet avec l’épisode 5/16 du Descartes Code : «Les Objecteurs»
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