Paul Morand livre dans cet ouvrage un hommage ému à Fouquet (1615-1680), dont on dit pour résumer qu'il a chuté après avoir offusqué Louis XIV, le Roi Soleil, en construisant le château de Vaux-le-Vicomte et en y organisant les fêtes les plus brillantes. Après une telle bande-annonce, le Médiévaliste se doit d'enquêter.
Né d'une famille d'armateurs bretons dont la devise est "Quo non ascendam" (jusqu'où ne monterai-je pas ?), Nicolas Fouquet s'est enrichi après avoir redressé les finances de la France malmenées par la Fronde, guerre civile de 1648-1653. Fouquet est proche du Cardinal Mazarin, qui dirige l'éducation du jeune roi Louis XIV, et donc le royaume de France. En 1653, Fouquet est nommé surintendant des finances. Il s'attend naturellement à succéder à Mazarin à sa mort, et à être nommé premier ministre. En 1661, Mazarin décède et "la face du théâtre change": le roi déclare "Messieurs, jusqu'à présent j'ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par M. Le Cardinal; il est temps que je les gouverne moi-même. Vous m'aiderez de vos conseils quand je vous le demanderai". Il ajoute à l'intention de Fouquet: "Je vous prie de vous servir de Colbert, que feu Monsieur le Cardinal m'a recommandé. [...] La face du théâtre change; j'aurai d'autres principes dans le gouvernement de mes Etats et dans la régie de mes finances". C'est le début de la chute de Fouquet, qui se croyait dans les grâces du roi, sans avoir pris conscience que le roi développait à son égard depuis quelques années une solide jalousie.
Jalousie ? Fouquet est brillant, il a accumulé une fortune considérable, et tient les clés des finances ce qui le rend puissant. Il est raffiné, a du goût, charmeur, il a du succès avec les femmes. Fouquet découvre et finance de nombreux artistes : Molière, La Fontaine, Corneille, le décorateur Le Brun, l'architecte Le Vau, le jardinier Le Nôtre, Scarron, Lully, etc. La somme des talents de Fouquet prend forme à Vaux-le-Vicomte, château dont la construction a démarré en 1653. Fouquet y organise des fêtes somptueuses, dont celle, fameuse, du 17 août 1661. Louis XIV, alors âgé de 23 ans, s'y rend accompagné de 600 courtisans. Selon La Fontaine, "Tout combattit à Vaux pour le plaisir du roi, La musique, les eaux, les lustres, les étoiles", ou encore "Vaux ne sera jamais plus beau qu'il ne fut cette soirée-là". Paul Morand écrit : "Près du roi, un sucrier d'or massif, que Louis XIV contemple avec envie, de ses gros yeux bleux. - Quel beau vermeil, dit le roi, se retournant vers le maître de maison. - Pardonnez, Sire, ce n'est pas du vermeil, c'est de l'or. - Le Louvre n'a rien de semblable...". Selon Paul Morand "le 17 août, à six heures du soir, Fouquet était le roi de la France; à deux heures du matin, il n'était plus rien".
Fouquet, que l'on dit naïf, toujours confiant dans l'amitié du roi à son égard, n'agit pas. Il est arrêté le 5 septembre 1661, par un d'Artagnan hésitant, au point de demander à son roi des ordres écrit pour confirmer l'arrestation ! Oui, ce même d'Artagnan qu'Alexandre Dumas a plus tard pris pour héros. Le procès est instruit par une cour spéciale constituée par le roi du plus grand nombre d'ennemis personnels de Fouquet. Le dossier à charge est rédigé par Colbert, qui accumule patiemment depuis des années des preuves contre Fouquet. Les preuves sont tellements fausses, partiales et manipulées, que malgré l'insistance du roi, l'issue du procès vacille. Fouquet parvient à rédiger et à faire éditer ses Défenses sur tous les points de mon procès, que j'aurais à proposer si j'étais devant mes juges naturels. Fouquet a de nombreux amis, l'opinion vacille, le procès pourrit sur place. Turenne déclare "Au début, il eu suffit d'une ficelle pour étrangler le Surintendant; à présent la corde serait trop grosse pour le pendre". Toute la littérature est pour Fouquet, le procès est chansonné:
Hérault dit : Vous avez grand tort
Et quand il n'aurait fait que Vaux,
N'a-t'il pas mérité la mort
D'avoir tant dépensé en eaux ?
Le roi ne parvient pas à faire condamner Fouquet à mort ! Le procès prend fin en décembre 1664, Fouquet est banni. Souhaitant le museler, le roi utilise son droit régalien, et fait exceptionnel, il aggrave la peine et la transforme en prison à perpétuité.
Le roi suit ensuite le chemin ouvert par le surintendant : il entame les travaux du château de Versailles en 1661, l'architecte est Le Vau, le jardinier, Le Nôtre, le peintre, Le Brun. Louis XIV devient un brillant mécène, et organise à Versailles les fêtes les plus somptueuses.
Lire Fouquet, ou le Soleil offusqué de Paul Morand, ou Le songe de Vaux de La Fontaine, ou Elégie aux nymphes de Vaux de Molière.
Visiter le Château de Vaux-le-Vicomte.
Très intéressant !!! Comme quoi, même à l'époque de Louis XIV, les procès étaient obligatoires, même s'ils étaient truqués ! Je ne savais pas ça...
Comme dit le proverbe "Viollet le Duc, ça Vaux le Vicomte"
Rédigé par : Renaud | 25/11/2005 à 08:55
Pour Louis XIV tout part à Vaux l'eau,
mais fou qu'est le versaillais,
à construire des chateaux de paille.
Rédigé par : C2000 | 02/12/2005 à 00:46